Les Carnets du sous-sol – Fédor Dostoïevski

 

Essai remis dans le cadre du cours Corpus Étranger (LIT1628) à l’Université du Québec à Montral en décembre 2016

En 1929 paraît La Poétique de Dostoïevski[1] de Mikhaïl Bakhtine, une oeuvre majeure qui change l’approche aux textes de l’auteur russe, proposant notamment la notion selon laquelle la polyphonie constituerait l’élément essentiel des romans de Dostoïevski. La pluralité des voix et des consciences mettrait en scène de grands dialogues entre les idéologies contemporaines de l’auteur. Dostoïevski, inventeur de cette polyphonie, ferait ainsi preuve d’une grande empathie, demeurant transparent dans son oeuvre de manière à laisser dialoguer les idées entre elles, laissant les personnages se définir par eux-mêmes avec leur vision d’eux-mêmes et du monde. Les Carnets du sous-sol[2] est, selon Bakhtine, l’oeuvre de Dostoïevski qui marque ce tournant polyphonique, dans la mesure où y dialoguent les idéaux progressistes, socialistes et rationalistes des années 1840 en Russie avec les idéaux plus anticonformistes et nihilistes du héros du roman. Cette approche du texte dostoïevskien fait contraste à celle que Léon Chestov développe dans La Philosophie de la tragédie. Dostoïevski et Nietzsche[3], qui s’élabore avant tout autour d’une approche psychanalytique, et qui lie intimement Dostoïevski et ses idéaux à ses personnages. Ainsi, selon Chestov, le roman Les Carnets du sous-sol serait une manière pour Dostoïevski d’écrire pour lui-même, sur lui-même, en donnant sa voix à un personnage, pour montrer les changements qui se seraient opérés en lui après son expérience au bagne, bien que l’auteur avertisse son lectorat que «[l]’auteur de ces ‘carnets’ et les ‘carnets’ eux-mêmes [soient] certes imaginaires.[4]» Cet avertissement ne servirait qu’à amoindrir la polémique que pourrait causer le roman, qui constitue une importante critique de la société russe de cette époque. Or, ces deux représentations influencent la lecture qu’on peut faire de l’oeuvre de Dostoïevski, et ainsi notre analyse de la liberté du personnage dans Les Carnets du sous-sol. Nous en venons donc à penser que le héros des Carnets du sous-sol s’inscrit plutôt dans la représentation du personnage que propose Bakhtine puisqu’il incarne davantage un idéal de liberté qu’un désir de critiquer les idéologies progressistes et socialistes de l’époque, et cet idéal est ce qui le pousse à agir, ce qui fait de lui quelqu’un de libre et conscient de l’être, prêt à tout pour le demeurer. C’est dans cette mesure qu’il sera intéressant d’analyser la manière dont la définition du personnage et son rapport avec les idéologies de l’époque font de lui quelqu’un de souverain et indépendant.

 

L’AUTODÉFINITION DE SOI ET L’INDÉTERMINISME

La définition du personnage des Carnets du sous-sol se construit autour de son idéal de liberté, qui prend la forme d’une indépendance caractérisée par une souveraineté radicale du personnage, et de ses vives critiques des idéologies dominantes à l’époque de la parution du roman. Dostoïevski présente, dans Les Carnets du sous-sol, les pensées d’un personnage sur lui-même, une étude sur sa propre condition et sur sa propre identité. L’homme souterrain cherche à «retrouver les causes qui l’ont produit» (p. 8) à partir de certains éléments de sa vie. Par la simple présentation qu’en fait Dostoïevski dans son avertissement qui précède le début du roman, le protagoniste se voit complètement souverain, et la proposition de Bakhtine selon laquelle les personnages se définissent avant toute chose par leur conscience prend tout son sens. Ainsi, on remarque que «le héros intéresse Dostoïevski comme point de vue particulier sur le monde et sur lui-même, comme la position de l’homme cherchant la raison d’être et la valeur de la réalité environnante et de sa propre personne.[5]» Dans ses carnets, le héros en vient donc à tout analyser, à tout remettre en question et ses réflexions sont caractérisées par un inachèvement, une absence de solutions. Lui-même n’est jamais fixe, il ne semble avoir aucune définition précise. Il n’est qualifié que par cette conscience aiguisée de lui-même, de son rapport aux autres et à la manière dont il entre en relation avec l’extérieur.

L’indéterminisme de la définition du personnage traduit avant tout l’idéal de liberté qui l’habite. Il semble n’exister que pour affirmer sa liberté, puisqu’il se trouve dans un néant ; face au néant, sa liberté devient sa seule option d’affirmation de soi.

Non seulement je n’ai pas su devenir méchant, mais je n’ai rien su devenir du tout : ni méchant ni gentil, ni salaud, ni honnête – ni un héros ni un insecte. Maintenant que j’achève ma vie dans mon trou, je me moque de moi-même et je me console avec cette certitude aussi bilieuse qu’inutile : car quoi, un homme intelligent ne peut rien devenir – il n’y a que les imbéciles qui deviennent. Un homme intelligent au XIXe siècle se doit – se trouve dans l’obligation morale – d’être une créature essentiellement sans caractère, un homme d’action, est une créature essentiellement limitée. (p. 13)

Il affirme sa liberté, son intelligence, sa différence de l’autre — dans la même mesure son opposition aux idéaux de son époque[6] — par son inaction. Son inaction est ce qui le rend libre puisque c’est ce qui lui permet de demeurer versatile, ce qui le garde en dehors de toute définition. Dans l’idée existentialiste où les actions définissent l’essence d’une personne, le personnage des Carnets du sous-sol pourrait sembler n’avoir aucune essence. Or, son inaction constitue une action en elle-même puisqu’elle vise à détacher le personnage de l’utilitarisme rationaliste de son époque, donc à affirmer cet idéal de liberté qui le constitue. Son inaction est ainsi très cohérente avec la définition qu’il a de lui-même et confirme son caractère indéterminé, inachevé.

Dans la première partie du roman, l’homme souterrain est présenté comme totalement détaché de la vie sociale, puisqu’il aurait hérité d’une somme importante lui permettant de ne plus avoir à travailler comme fonctionnaire. Ainsi, les cinquante-sept premières pages du roman présentent un monologue intérieur où ses pensées et ses critiques de la société s’articulent autour de sa conscience et de ses idéaux. Or, dans la seconde partie du roman, le personnage décrit des événements de son passé où il était fonctionnaire et se devait de côtoyer autrui pour subsister à ses besoins. Ces événements ont forgé son identité et raffermi sa volonté de liberté, de manière à le rendre comme il nous est présenté dans la première partie. L’intelligence de l’homme souterrain est ce qui l’empêche d’entrer en contact avec l’autre, ce qui l’individualise.[7] Elle l’écarte de l’autre parce que «pour [Dostoïevski], ce qui s’oppose à l’amour, ce n’est point tant la haine que la rumination du cerveau.[8]» Et cet exercice inépuisable de réflexion caractérise l’homme du sous-sol, fait sa fierté ; et nous croyons qu’en plus de l’éloigner, de l’opposer à l’amour, son intelligence le motive à se détacher de l’autre. Parce que son intelligence est intimement liée à sa conscience, elle alimente sa volonté d’être libre et détaché ; elle semble faire le pont entre lui et l’extérieur, lui fait traiter l’information qu’il observe de l’extérieur de manière à se situer par rapport à la société, et est ainsi poussé à une introspection qui le convainc de se défaire de l’autre. Comme il accorde beaucoup d’importance à ce que l’autre pense de lui, ce que l’autre voit de lui, l’introspection est capitale pour qu’il demeure souverain et indépendant. C’est dans cette mesure que son esprit critique lui sert à devancer chaque autre conscience, pensée ou opinion sur lui. Il se sonde jusque dans ses failles de sorte que l’autre n’a aucun moyen de le pénétrer et d’avoir une emprise sur lui. Ainsi, bien qu’il accorde beaucoup d’importance au regard de l’autre, celui-ci n’influence en rien sa définition de soi, parce que sa conscience de lui-même et de ses faiblesses lui permet de briser ce qu’autrui a à dire de lui,  «le cadre des mots […] qui le rendent fini et comme mort[9]», et il demeure ainsi indéterminé, indéfinissable, libre.

 

L’IDÉAL SOCIALISTE DE 1840 ET LE DIALOGISME

Dostoevskij_1876

La section précédente a permis de définir l’homme souterrain dans sa sphère intime, personnelle, par sa conscience. Or, dans la sphère sociale — parce que bien qu’il s’isole et se détache d’autrui, il demeure un individu faisant partie d’une collectivité — ce sont les idéaux qui, pour Bakhtine, en viennent à définir, ou à représenter le personnage. Ainsi, l’idéal de liberté du protagoniste le met en relation avec l’extérieur ; dans la première partie du roman, c’est en réponse aux idéaux rationalistes et socialistes que sa volonté de liberté s’affirme, et dans la seconde, où il est en relation avec d’autres individus, l’idée devient ce qui guide son action face à autrui de manière à ce que ses agissements rendent compte de ses idéaux, qu’ils soient fidèles à sa définition de lui-même. «L’idée cesse d’être elle-même, pour devenir une manière description artistique se combinant avec l’image du héros.[10]»

Les années 1840 marquent un changement majeur dans les fondements idéologiques en Russie. La nouvelle génération embrasse des idéaux plus libéraux, teintés d’un socialisme rationaliste encourageant l’homme à oublier son libre arbitre au profit de la collectivité, d’obéir à la logique du rassemblement du social. Ces nouveaux idéaux sont teintés d’un refus de Dieu, d’une absence de foi. C’est durant cette période de bouleversement social que Dostoïevski se voit arrêté et envoyé au bagne. Ces idéaux ayant marqué Dostoïevski sont ainsi remis en perspective et étudiés dans un contexte réflexif qui passe par la conscience d’un autre, une conscience de laquelle il est détaché qui lui permet de dialoguer avec ces idées, de les étudier dans leur contexte, de mieux les comprendre. Dans les années 1860, époque correspondant au présent narratif du roman, ces idées sont bien implantées dans la société russe et deviennent de plus en plus populaires.[11]

La première partie du roman s’articule autour de l’existence du personnage dans une société qui adhère de plus en plus au rationalisme. Comme nous l’avons vu dans la section précédente de l’essai, l’homme souterrain vit pour affirmer sa liberté ; il n’agit, ne pense, ne se définit qu’en fonction de cet idéal. La simple affirmation de sa liberté s’oppose aux idéaux dominants de l’époque puisque ceux-ci prônent un abandon de la liberté pour le bien collectif. Et pour se montrer encore plus indépendant, le personnage rejette toute action logique, tout acte rationnel, ou en rapport à toute discipline rationaliste.[12] Tout au début du roman, le personnage écrit : «Je crois que j’ai quelque chose au foie. De toute façon, ma maladie, je n’y comprends rien, j’ignore au juste ce qui me fait mal. Je ne me soigne pas, je ne me suis jamais soigné, même si je respecte la médecine et les docteurs. […] Oui, c’est par méchanceté que je ne me soigne pas.» (p. 11) En refusant ainsi «l’institution» médicale — une discipline relativement rationnelle qui réduit l’humain et ses maux pour en faire l’étude, pour le soigner, adoptant une attitude très objective et neutre — le protagoniste du sous-sol refuse la société et son progrès. C’est avec sa posture de réclusion que l’homme souterrain offre une perspective nouvelle du monde. Michel Eltchaninoff propose, dans son ouvrage Dostoïevski. Roman et philosophie, une métaphore selon laquelle le sous-sol donne au personnage une vision en «contre-plongée» de la société et de ses normes. Le sous-sol est un espace étroit où l’amplitude de mouvement est limitée.[13] C’est dans cette mesure que le personnage, dans la première partie, n’agit pas. C’est sa pensée qui nous est avant tout présentée, une pensée qui est aiguisée par son point de vue inédit sur la société.

Sa critique de la société rationaliste est d’autant plus éloquente dans le passage où il témoigne sa crainte quant au «palais de cristal», symbole ultime du progrès des sociétés occidentales. Le palais de cristal représente la première exposition universelle de Londres de 1951, et par extension les nouvelles idées européennes qui s’implantent, à cette époque, en Russie.

Vous avez foi en un palais de cristal à jamais indestructible, c’est-à-dire quelque chose à quoi on ne pourra pas tirer la langue en douce ni dire mentalement ‘merde’. Et moi, peut-être, c’est pour cela que j’en ai peur, de cette construction, parce qu’elle est en cristal et à jamais indestructible, et qu’on ne peut même pas, en douce, lui tirer la langue. (p. 50)

L’implantation de ces idéaux dans la société russe inquiète le personnage parce qu’elles témoignent d’une permanence et d’une autorité indéniable qui bouleverserait le libre arbitre de chacun. Le protagoniste en vient à prétendre qu’il préfèrerait s’abriter d’un poulailler que d’un tel palais en cas de pluie, «si le seul but de la vie est de se tenir au sec.» (p. 51) Le personnage ne vise ainsi qu’à protéger ses désirs d’un anéantissement certain, ses idéaux d’un effacement au profit de «quelque chose de mieux», de quelque chose qui paraît mieux à la société et qui pousse les individus à s’oublier au profit de cette idée de progrès. C’est dans cette mesure que le personnage s’oppose aux idées socialistes en plus de celles qui teinteraient le «futur» dans lequel il évolue, s’opposant toujours à toute forme de conformisme ; c’est de cette manière que l’on peut dire que le personnage est libre : il trouve toujours, par sa volonté de liberté, le moyen de se défaire de la masse et de s’affirmer en tant qu’individu unique et «supérieur», puisque conscient de «l’avalement» et de l’unification, voire de l’objectivation qu’entraînent ces idéaux. «L’idée [de liberté du personnage] cesse d’être elle-même, pour devenir une manière de description artistique se combinant avec l’image du héros.[14]»

 

 

LA PRESCRIPTION DU SYMPTÔME : LORSQUE ACTION DEVIENT REPRÉSENTATION IDÉOLOGIQUE DE SA CONSCIENCE

Une scène du roman peut tendre à bouleverser cette manière que nous avons de considérer l’homme souterrain comme libre ; celle où il dîne avec ses anciens camarades d’école et qu’il en vient à s’humilier et à s’abaisser devant eux. Lors de ce souper d’adieu auquel le personnage s’est imposé, ses anciens camardes se moquent de lui, de son salaire, de sa condition, et en viennent à l’ignorer. Dans cette scène, l’image de soi pour soi et l’image de soi pour l’autre s’entremêlent et créent un effet de flou ; nous ne savons plus si le personnage agit de cette manière pour se libérer, par orgueil, ou pour attirer l’attention sur lui. L’action se déroule dans les années 1840, dans le passé narratif, et c’est donc le personnage de 1864 qui la narre et la commente. Sa perspective de la situation est reculée et nous le connaissons pour son esprit auto critique très rigide. Ainsi, il se décrit comme un lâche et reconnait les lacunes dans son agissement de ce soir-là. Dans son recul sur la situation, il évoque des moments où il aurait simplement dû quitter la réception plutôt que de rester et de s’humilier devant ces gens, sentant que ceux-ci prenaient de plus en plus le dessus sur lui, qu’ils commençaient à le «pénétrer» et à acquérir un certain pouvoir sur lui. Or, malgré la situation inconfortable dans laquelle il se trouve, il décide de rester «parce que c’est une taverne» et qu’il a payé sa place, parce qu’il considère ces hommes comme des «pions» qui n’existent pas réellement. (p. 103) Il se dit que de quitter le souper ferait trop plaisir aux hommes. Jusqu’à ce que le souper soit terminé et que les hommes se déplacent à un salon, où ils boivent et discutent, ignorant totalement notre héros. C’est alors qu’il se met à faire des aller et retour dans la pièce. «Je marche comme ça, personne n’a le droit de me l’interdire.» dit-il (p. 104).  Il considère ces heures passées comme les plus «ridicules» et «terrifiantes» de sa vie, comme un «avilissement sale». Le fait que ses camardes l’ignorent témoigne du pouvoir qu’ils ont sur lui ; qu’il s’en aille ou qu’il reste assis sagement près d’eux, tentant de se fondre au groupe, c’est par soumission qu’il agirait. Son geste inusité d’aller et retour vise à «contaminer» la situation, à perturber le contrôle de ses camardes sur celle-ci. «Il était impossible de s’avilir soi-même d’une façon plus insolente et plus volontaire, cela, je le comprenais parfaitement, parfaitement, et je continuais quand même mes aller et retour de la table jusqu’au poêle.» (p. 104) Dans un tel contexte où le personnage est littéralement contraint à l’autre, au groupe dans ce cas-ci, il lui vient nécessaire de prescrire le symptôme. La prescription du symptôme est une pratique thérapeutique basée sur le paradoxe. L’exemple le plus éloquent de prescription du symptôme est que si quelqu’un voulait perdre vingt kilos, il devrait d’abord en prendre vingt ; c’est une approche qui semble d’abord illogique, mais qui en fait motive à vraiment atteindre l’objectif. La situation paradoxale de la scène des Carnets du sous-sol s’inscrit dans cette idée d’illogisme visant à se défaire de l’emprisonnement que présente un contexte.[15] Par exemple, dans cette scène, plus le personnage agit de manière à être libre, soit à se placer au-dessus des autres — hors de leur porté, inaccessible — moins il l’est ; les autres voient dans ses tentatives d’affirmer sa liberté une brèche pour le «pénétrer» et avoir l’emprise sur lui, soit agir de manière à ce qu’il quitte la réception. Ainsi, en poussant l’humiliation que les autres lui font subir à un apogée, et en prenant le contrôle de cette humiliation, le personnage en vient à se libérer d’eux et à redevenir souverain.

Cette prescription du symptôme qui libère le personnage dans cette scène peut être rapprochée à sa conscience qu’il a de lui-même, dans la première partie — soit après cet événement. Il a conscience de ce qu’on dit de lui et cette conscience fait partie de sa définition de lui-même; se connaissant mieux, autant dans son image de soi pour soi que dans celle de soi pour l’autre, il parvient à devancer l’autre et à anticiper ce qu’il pourrait lui trouver comme faille, et ainsi à demeurer indépendant et autonome.

À l’égard du problème que posaient les représentations du personnage des Carnets du sous-sol définies par Bakhtine et Chestov, nous en sommes venus à démontrer que le personnage se définit avant tout par sa conscience, par ce point de vue qu’il pose sur lui-même et sur le monde qui l’entoure, et que cette conscience traduit l’idéal de liberté par lequel il est habité, pour lequel il agit et lutte. Cette liberté peut être remarquée dans la manière dont le personnage s’échappe de toute définition fixe, cette façon dont il demeure «inachevé» par sa conscience qui se renouvelle constamment, qui ne cesse jamais de s’approfondir, de se découvrir jusque dans ses failles et qui lui permet de se dérober à l’emprise d’autrui. Son idéal qui guide sa conscience le pousse à dialoguer avec les idéaux de son époque, afin de se démarquer de ceux-ci pour affirmer sa position dans le monde. Il montre, par ses remarques et critiques à l’égard de ces idéaux rationalistes — que sa conscience de lui-même et du monde le pousse à formuler —, son opposition et sa crainte quant à l’implantation de tels idéaux sur la collectivité. Cet idéal de liberté est tellement fort chez lui qu’il en vient à s’humilier devant l’autre afin de s’assurer d’être le seul à exercer un contrôle sur sa personne ; en s’abaissant lui-même dans une situation gênante, il ne peut être diminué par personne d’autre. Nous pouvons ainsi retenir que la conscience du personnage, intimement rattachée à son idéal de liberté, est ce qui le guide avant toute chose dans sa perpétuelle quête de liberté, son indépendance qu’il s’efforce d’affirmer du mieux qu’il le peut tout au long du roman.


[1] Mikhail Bakhtine, La Poétique de Dostoïevski, Paris, Éditions du Seuil, 1998, 346p.

[2] Fédor Dostoïevski, Les Carnets du sous-sol, trad. André Markowicz, Arles, Actes Sud, 1992, 181 p.

[3] Léon Chestov, La Philosophie de la tragédie. Dostoïevski et Nietzsche, Paris, Le Bruit du Temps, 2012,                    281 p.

[4] Fédor Dostoïevski, op. cit., p. 8. (après cette notice, les citations se référents à cet ouvrage seront identifiées directement dans le texte, entre parenthèses)

[5] Mikhaïl Bakhtine, op. cit., p. 82

[6] Il sera question de son rapport aux idéaux de son époque dans la section suivante de l’essai.

[7] André Gide, Dostoïevski : articles et causeries, Paris, Gallimard, 1981, p. 146

[8] Ibid. p. 106.

[9] Mikhaïl Bakhtine, op. cit., p. 97.

[10] Ibid. p. 119

[11] Léon Chestov, op. cit., p. 86.

[12] Myrtô Dutrisac, Le Problème du nihilisme dans les oeuvres de Nietzsche et de Dostoïevski, thèse sous la dir. du professeur Gilles Labelle, université d’Ottawa, 1999, p. 77.

[13] Michel Eltchaninoff, Dostoïevski. Roman et philosophie, Paris, PUF, 1998, p. 40

[14] Mikhaïl Bakhtine, op. cit., p. 119

[15] Irène Bouaziz, «Prescrire le symptôme : une expérience de réalité virtuelle», Paradoxes, http://www.paradoxes.asso.fr/2011/06/prescrire-le-symptome-une-experience-de-realite-virtuelle/, consulté le 3 décembre 2016.


BIBLIOGRAPHIE

Bakhtine, Mikhail, La Poétique de Dostoïevski, Paris, éditions du Seuil, 1998, 346p.

Chestov, Léon, La Philosophie de la tragédie. Dostoïevski et Nietzsche, Paris, Le Bruit du Temps, 2012, 281 p.

Breen, Brigitte, Dostoïevski : Dire la faute, Paris, Michalon, 2004, 115 p.

Dostoïevski, Fédor, Les Carnets du sous-sol, trad. André Markowicz, Arles, Actes Sud, 1992, 181 p.

Dutrisac, Myrtô, Le Problème du nihilisme dans les oeuvres de Nietzsche et de Dostoïevski, thèse sous la dir. du professeur Gilles Labelle, université d’Ottawa, 1999, p. 77.

Eltchaninoff, Michel, Dostoïevski. Roman et philosophie, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, 127 p.

Gide, André, Dostoïevski : articles et causeries, Paris, Gallimard, 1981, 197 p.

Marinov, Vladimir, Figures du crime chez Dostoïevski, Paris, Presses Universitaires de France, 1990, 429 p.

Sogny, Michel et Alexis Philonenko, De Victor Hugo à Dostoïevski. Entretiens philosophiques, Paris, France-Empire Monde, 2013, 251 p.

 

MÉDIAGRAPHIE

Bouaziz, Irène, «Prescrire le symptôme : une expérience de réalité virtuelle», Paradoxes, http://www.paradoxes.asso.fr/2011/06/prescrire-le-symptome-une-experience-de-realite-virtuelle/, consulté le 3 décembre 2016.

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